Thursday, May 8, 2014

Watch Your Step : Beirut heritage walking tour




La réconciliation qui aurait du avoir lieu après la guerre entre les partis opposés n’a jamais eu lieu. Le mémorial de la guerre civile n’a jamais été construit, sculpté ou peint. Pourtant le week end dernier, le quartier mal famé de Khandak el ghamik, à deux pas du centre-ville de Beyrouth, a vu ses rues et ses maisons s’animées dans un effort artistique de commémoration, de compréhension et de réflexion sur cette guerre civile. 

Ecrit par Robert Myers et mis en scène par Sahar Assaf, « Watch your step » a offert pendant quatre jours une expérience nouvelle aux spectateurs en brisant toutes les règles du théâtre. Ainsi, sous prétexte de visite culturelle pour admirer l’héritage architectural du khandak, l’audience s’est déplacée, escortée par un « guide touristique », entre différentes zones du quartier pour assister à chaque fois à une performance de quelques minutes. Les acteurs se fondent dans le paysage et donnent l’impression d’être de véritables habitants du quartier, du temps de la guerre. L’audience assiste donc à un mariage qui tourne aux lamentations suite à la mort du marié, à une bande de snipers qui discutent de leur dernière « chasse », à un couple tourmenté par la violence conjugale, à une arménienne qui se couvre la tête avec une casserole pour échapper aux tirs des snippers, à une femme qui fait les courses pour sa voisine et qui se plaint du manque de pain, à un vieux couple qui habite le khandak depuis une cinquantaine d’années. On finit par se perdre entre fiction et réalité. Bien que le sujet principal de la piece soit la guerre civile, il n'y a aucune mention claire de la guerre tout le long de la représentation; que des références subtiles. 

Mais le protagoniste le plus important est sans doute le quartier lui-même. Tout fait penser à la guerre civile : les bâtiments déserts criblés de tirs, les drapeaux d’une seule couleur politique, le sentiment ambiant d’insécurité. L’ambiance finit par devenir étouffante et on n’a qu’une envie : sortir du khandak et retrouver le centre-ville voisin ou les rues sont plus propres, les façades refaites et ou règne un plus grand sentiment de sécurité. 

Ce travail audacieux de Sahar Assaf, professeur à l’université américaine de Beyrouth, s’inscrit dans une vague de renouveau théâtral à Beyrouth, et ouvre peut-être la porte à plus de représentations dites « site-specific ». L’événement, organisé en collaboration avec le centre international pour la justice transitionnelle, a pu donner aux libanais de ma génération, celle de l’après-guerre, un gout de ce qu’était Beyrouth pendant la guerre.



               

   




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