Saturday, December 29, 2012

Interdit aux piétons


Je n’aime pas les villes qui ne se visitent que par voiture. Pour bien visiter une ville, il faut le faire à pied, il faut pouvoir marcher dans les rues, voir les façades des commerces, sentir la chaleur humaine sur les trottoirs.

Les villes du Golf comme Riyad, Qatar et autres, ne sont pas conçues pour les piétons. Le type d’habitation le plus répandu, c’est les maisons individuelles, ce qui fait que la ville s’étend à l’infini. Il faut prendre la voiture pour le moindre déplacement et on y parcoure des distances énormes. C’est vrai que personne n’a envie de marcher à l’extérieur par 40 degrés, mais c’est tout le modèle urbain qui est à revoir, tant je trouve ces villes inhumaines.

A Paris, la part de la voiture est de 17% sur le total des déplacements, contre 47%* pour la marche ! On doit frôler les 98% pour la voiture dans le golf. Je ne demande pas à ce que Koweït city et Djeddah copient Paris, mais un peu plus de densité ne ferait pas de mal.

Dans ces villes, le seul lieu public de rencontre et de vie social, c’est le centre commercial. Attention, je ne parle pas de petits centres commerciaux comme l’ABC, je parle de centres gigantesques avec des espaces et volumes énormes, qui ne servent finalement pas à grand-chose. On trouve les mêmes magasins partout, les mêmes restaurants partout.

Je n’ai rien contre les centres commerciaux, mais je préfère de loin les rues marchandes comme Hamra, Verdun, les Champs Elysées ou les grands boulevards de Paris. Je me sens trop enfermé dans les centres commerciaux, il n’y a pas cette même liberté qu’on ressent en déambulant dans les rues de ras Bierut le soir, entre Bliss et Hamra.  

Mais si l’on doit absolument construire de CC a Beyrouth, le modèle à suivre est celui de souks de Beyrouth, qui s’ouvre entièrement à la rue et donc au reste de la ville. C’est bien aussi d’avoir des parties à ciel ouvert, pas entièrement couvertes. On ne peut pas imaginer par exemple des enfants faire du vélo dans un CC classique, alors qu’aux souks les enfants peuvent jouer sans problème.

Du côté de Dbayé en revanche, impossible de se déplacer sans voiture. C’est un peu normal vu qu’on est sur une autoroute, mais je pense qu’on doit penser plus aux piétons en aménageant par exemple des trottoirs entre les différentes parcelles – je pense particulièrement à ABC et à Le Mall.




*source : http://www.epomm.eu/index.php?id=2581

Thursday, December 27, 2012

Sabah vs BB


Cette vidéo a été réalisée pour une campagne photo sur instagram, #livelovebeirut. La chanson utilisée est "Maximum" de la grande chanteuse et actrice libanaise Sabah. 



Je me suis vite aperçu que la vidéo s'inspire largement de la publicité de Miss Dior chérie réalisée par Sofia Coppola. 



La ressemblance est frappante, n'est-ce pas?

J'ai toujours beaucoup aimé la vidéo de Coppola, on y voit un Paris luxueux, coloré, ou il fait bon vivre. La blonde est belle, mais je trouve la libanaise plus charmante. Son regard est plus profond, son sourire plus flamboyant.

Paris et Beyrouth sont 2 villes que j’aime par-dessus tout. Mais dans la vidéo de livelovebeirut, Beyrouth dégage une certaine chaleur qu’on ne trouve pas dans les couleurs pastel de Paris.


Pour ce qui est de la chanson, « maximum » est le choix parfait. On dirait vraiment la version arabe de « moi je joue » de Brigitte Bardot. Je ne connaissais pas la chanson avant l’avoir écoutée dans la vidéo, et l’humour et la légèreté dont on pouvait faire preuve à l’époque m’ont surpris. (oui je sais, la phrase est très lourde, c’est comme ça) La trace et le travail de Sabah sont beaucoup plus grands et plus vastes que ceux de BB, mais je vois bien Sabah comme notre Brigitte Bardot orientale.




Gardons en tête qu’on a d’une part un spot commercial professionnel réalisé par un grand réalisateur, et d’autre part une vidéo d’amateur.


Et vous, quelle version préférez-vous ?




Tuesday, December 25, 2012

Beirut بيروت‎


"mech eder 3ich baleke, mech eder 3ich ma3ek."

Après deux minutes de musique monotone, dramatique, ce sont les seules paroles prononcées. La chanson s'appelle "Beirut". On est bien d’accord, il y a plus abouti comme texte de chanson, mais ces quelques mots décrivent parfaitement ma relation avec Beyrouth. C’est une relation intime. Beyrouth est charmante, chaleureuse,  grandiose et intime à la fois. J’aime ses rues, ses trottoirs, ses immeubles, ses marchés, son odeur, ses fleurs, ses habitants. J’aime son soleil, sa pluie, son froid, sa chaleur. J’aime quand elle se réveille, j’aime son coucher de soleil.

Mais par moments, Beyrouth m’étouffe. Je me seul dans sa foule, je ne trouve pas ma place dans ses milles facettes. Je me sens à l’étroit, je me sens dans un grand village, je me sens dans une ville du tiers-monde, entouré de sauvages.

Beyrouth est rêvée, idéalisée. Elle ne vit peut-être plus son âge d’or, mais on s’est tous promis de faire revivre cet âge d’or un jour. Là où certains voient de vieilles pierres, des vieux bâtiments délabrés, je vois de la grandeur, une histoire, une civilisation à part entière, une façon de vivre, un passe glorieux.

Lorsque je rentre à Beyrouth par avion, et que l’avion s’approche du Liban, que je commence à apercevoir Beyrouth, mon cœur se met à battre fort. Lorsque l’avion atterrit à Beyrouth, et que l’on applaudit, de battre mon cœur s’arrête. Lorsque je prends l’avion pour partir, il n’y a pas pire comme sensation. Quand l’avion se met à rouler, lentement d’abord, puis accélère, et décolle… Je regarde Beyrouth s’éloigner, jusqu'à disparaitre dans l’horizon. Je me dis toujours que je reviendrai bientôt, que je rentrerai bientôt.

Beyrouth n’a peut être pas la grandeur de Paris, les gratte-ciels de Shanghai, la diversité de New York, la royauté de Londres, mais aucune ville n’égale Beyrouth à mes yeux. On ne peut plus subjectif comme déclaration, mais c’est là tout le mystère de Beyrouth, si attachante. Et oh comme j’aimerais savoir pourquoi. Beyrouth n'est peut-être pas la plus belle ville, la plus propre, la plus grande, mais hawa beirut gher, beyrouth a un air différent. 

« Je sais que tu n’es pas faite pour moi, je sais que je suis pas fais pour toi mais quand même, j’aimerais danser avec toi ».  (Pas pour moi, Safar Barik) 

Tuesday, December 18, 2012

Photographier les passants


    Prendre une photo, c’est figer un moment précis dans le temps, qui ne se reproduira plus jamais à  l’identique. Partager une photo, c’est partager son regard, sa façon de voir une situation, un endroit, une personne. C’est en m’intéressant d’abord à  l’architecture et à  l’urbanisme que j’ai découvert la photographie. J’ai eu mon premier appareil photo en 2006 et depuis que je prends des photos, ma façon d’appréhender les lieux, notamment en ville, a sensiblement changer. Je ne peux m’empêcher de voir certains paysages urbains sans voir un cadre imaginaire autour.

Habit Rouge - Milan

    J’aime donc beaucoup faire des photos en ville, mais toutes les villes ne traitent pas les photographes de la même manière. En Europe par exemple, cela ne choque personne de voir des photographes, touristes, amateurs ou pro, à chaque coin de rue ou dans les hauts lieux touristiques. Je peux donc facilement prendre des passants en photo sans que cela ne les dérange – même s’ils ne sont souvent pas au courant.

L'italien - Milan 
    A Beyrouth en revanche, des que je sors mon appareil photo dans la rue, certains me regardent de façon méfiante, comme si je m’apprêtais à commettre un crime. On ne peut pas prendre de photos dans certains quartiers car jugés trop « sensibles ». On ne peut pas prendre de photos au Centre-ville sans provoquer la réaction des gardes de sécurité. Solidere est peut-être un cas particulier, mais ca fait partie de Beyrouth. Je ne sais pas d’ailleurs s’ils s’en rendent compte, mais on leur fait de la publicité gratuite en publiant des photos du centre-ville sur les réseaux sociaux.     

Encore trop petite - Nice

    A Hamra ou bien tout le long de la corniche, je n’ai jamais eu de problème avec les photos. Mais j’estime que l’attitude de la rue libanaise envers les photographes doit et peut évoluer. L’espace public appartient à tous les habitants de la ville, et je n’ai pas à me justifier quand je fais des photos dans cet espace public. Aussi, j’évite de centrer les passants dans mes photos à Beyrouth. J’ai déjà du mal avec les pierres, alors j’évite toute discussion inutile avec les passants.    

A velo - Paris

    Beyrouth est une ville magnifique que j’adore prendre en photo, et je veux pouvoir profiter de chaque quartier, de chaque rue, de chaque immeuble.  



Bourgeoise - Milan 

Toutes les photos de l'article, et du blog en général, sont de moi.

Souriantes - Milan



Saturday, December 15, 2012

Golfe de Saint-Georges

Un olivier, le seul de la baie.  

  Il fait beau à Beyrouth aujourd’hui. J’ai profité du beau temps pour faire un tour à la baie Saint Georges. J’ai bien dit Saint Georges et non pas        « Zaitunay bay » parce que je trouve le nom choisi par Solidere pour cet endroit mythique de Beyrouth ignoble. Quand j’entends les mots « baie Saint Georges », je pense tout de suite à la gloire de Beyrouth des années 60, début 70, la belle époque du Paris du Moyen Orient, la dolce vita.


Des cactus. Plante locale, biensur. 

Saint Georges, c'est aussi la légende de ce Saint qui tua un dragon qui terrorisa la ville. C’est le nom « Zaitunay bay » qui a été choisi, et on n’y peut rien. Bon, on s’attendrait à trouver des oliviers sur cette baie. Et bien on n’y trouve qu’un seul  malheureux olivier, un seul. Au lieu d’en planter plusieurs, Solidere a choisis de planter des cactus. C’est plus exotique, et ça doit faire plaisir aux touristes du Golfe.


    Pour en revenir à aujourd’hui. Il y a des endroits ou je ne vais jamais sans mon appareil photo, et Saint Georges en fait partie. A peine arrivé, un garde me dit qu’il est interdit de prendre des photos. Je ne lui réponds pas et continue mon chemin. Ce qu’il me dit est absurde, premièrement parce que tous les 2 mètres des personnes se prennent en photo, et deuxièmement parce que le littoral est un espace public et appartient à tous les libanais. Pourtant des pancartes installées un peu partout indiquent qu’il s’agit d’un espace privé.


Interdiction de manger, boire, parler, payer, fumer, faire du velo, etc


    Pour être plus nuancé, il n’y a pas que du négatif dans cette baie. C’est un endroit calme et en plein centre de la ville. Même s’il n’y a pas de vue directe sur la mer, c’est un espace dégagé comme il en manque à Beyrouth. L’offre de restaurants est diverse, entre cafés, bistros, cuisine libanaise, cuisine italienne…  Mais la plupart des restaurants ont des prix excessifs, bien supérieurs à la moyenne. D’ailleurs, on a pu lire récemment dans les journaux et sur les blogs qu’une bonne partie de ces restauts sont sur le point de fermer, et que le propriétaire des locaus refusait de baisser les prix de location.  Il est vrai que la clientèle visée par ‘Zaitunay Bay’ n’est pas surtout locale, et comme le tourisme va mal en ce moment, c’était prévisible.
Personnellement je vais le plus souvent chez Paul et Coffee Bean & Tea Leaf.


Sapin Swarovski


Le legendaire hotel Phoenicia 

    Aussi, comme l’année dernière, un marché de Noel a été installé. Les cabanes en bois sont bien jolies et leur emplacement près de la mer est très intéressant, mais on est loin du marché de Noel populaire comme on en trouve en Europe. Je ne sais pas par exemple ce que vient faire une banque dans une cabane de Noel. Mais ce marché fait le bonheur des petits et je pense qu'on devrait en avoir plus qu'un à Beyrouth. 

Marche' de Noel
                                                                                                                                

Thursday, December 13, 2012

Réponse : Fairouz, c’est le Liban


    Fairouz, l’ambassadrice vers les étoiles, a pu entrer dans le patrimoine libanais grâce a sa voix magique et ses chansons simples et mélodieuses.
    Ou qu’ils soient dans le monde, de l’Australie au Canada en passant par l’Europe et les pays arabes, les libanais écoutent Fairouz. Elle est parfois même le seul lien qui reste entre des expatriés et la mère patrie.  Fairouz, c’est aussi l’artiste libanaise la plus connue dans le monde, loin devant les chanteurs de la scène actuelle. 

    Il est donc impossible de dissocier Liban et Fairouz. Il faudrait soit être ignorant, soit fou pour le faire. C’est pourtant ce que j’ai pu lire dans un article publié dans Outlook, le journal hebdomadaire des étudiants de l’AUB.  L’auteur prétend que l’art de Fairouz ne devrait pas être « libanisé », et que les chansons de Fairouz s’approchent plus de la chanson syrienne, « chami ». Elle a ensuite énuméré toutes les chansons dans lesquelles Fairouz parle de la capitale syrienne Damas. J’ai envie de dire, et alors ? Chanter pour un pays autre que le sien ne fait pas de Fairouz moins libanaise. D’ailleurs je ne doute pas de la qualité des chansons mentionnées dans l’article, mais elles ne sont pas exactement les plus connues par le grand public. Li Beirut, Ya Hawa Beirut, Chayef el baher, Nassam Aleyna el Hawa, Nahna wel amar, Oudak ranna, bhebbak ya lebnan, bektob esmak, voici des chansons connues.
    Enrico Macias a chanté Beyrouth, ca ne fait pas de lui un libanais. Kazem el Saher a chanté Beyrouth, ca ne fait pas de lui un libanais non plus.

    L’auteur de l’article ne veut pas que Fairouz soit limité par le Liban mais que son art dépasse les frontières du pays du Cèdre. N’est-ce pas déjà le cas ? Son succès à l’international, que ce soit dans le monde arabe ou occidental, n’en-est pas la preuve ? Fairouz a porté l’art libanais vers le monde, mais c’est du Liban qu’elle est partie, pas de Damas. La petite superficie du Liban n’a jamais été un obstacle pour les Libanais qui brillent à l’étranger. C’est en oubliant et en reniant ses origines qu’on devient un pays « sans légitimité ».
    
    Fairouz et Joubran  Khalil Joubran, qui n’a pas été épargné par l’auteur, n’ont pas besoin d’être libanisé. Ils sont partie intégrante et indissociable du patrimoine libanais. Le Liban, c’est Fairouz. Fairouz, c’est le Liban. 

Chroniques d'un étudiant - I



    Il est vingt et une heures et la bibliothèque de Jafet est déserte. Une faible lumière éclaire les quelques courageux qui tiennent encore jusqu'à cette heure tardive. Il est difficile d’imaginer dans ce silence assourdissant qu’à quelques rues seulement, la vie nocturne beyrouthine bat son plein.
Dans un coin de la bibliothèque, sur une table poussiéreuse, Ziad essaye tant bien que mal de se concentrer son écran d’ordinateur. Ce n’est pas qu’écrire une dizaine de pages sur la place de la femme dans les medias ne l’enthousiaste pas, mais il a pris l’habitude de tout laisser jusqu'à la dernière minute. Alors pourquoi se presser d’écrire quand il lui reste encore trois bonnes heures avant de devoir rendre son travail ? Fainéantise quand tu nous tiens !

    Ziad se redresse, approche ses doigts du clavier, se prépare écrire quelque chose. Cette chaise en bois rustique est très inconfortable ! Il est impossible de travailler dans de telles conditions. Nicolas voudrait sérieusement commencer, mais c’est la chaise qui l’en empêche. De toute façon, ce n’est jamais de sa faute si quelque chose vient le distraire à chaque fois qu’il a quelque chose d’important à faire.
Il navigue sur sa page facebook, puis twitter, et instagram. Tiens, Nathalie a une nouvelle coupe de cheveux. Rami était à la baie Saint George cet après-midi. Amer est toujours aussi fasciné par les poignets de  portes.

    Il est vingt-deux heures. Quoi ? Déjà ?! Les choses deviennent sérieuses. Toujours pas d’inspiration. Tant pis, il essayera le lendemain matin. Il faudra trouver trouver une excuse pour ce retard. Il dira que sa connexion internet s’était arrêtée, ou que l’électricité s’était coupée.  C’est trop facile de trouver des excuses pour son retard au Liban. Il est impensable d’avoir des coupures d’électricité ou d’internet dans un pays développé. Le Liban a ses avantages après tout.    
Ziad range ses affaires et quitte la bibliothèque.